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Kristaps Porzingis : le letton d’abord hué puis acclamé par New-York

Posté le 03/11/2018 par Geoffroy Brändlin rubrique Basketball

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Kristaps Porzingis (numéro 6) se battant au rebond sous les yeux de ses coéquipiers Carmelo Anthony (7) et Robin Lopez (8) - Photo Keith Allison

Entrée sous les huées en NBA

Le soir de la Draft du 25 juin 2015, au Barclays Center de Brooklyn, Kristaps Porzingis, le jeune letton de 19 ans, est appelé en 4ème position par les Knicks de New-York sous les huées des fans de la franchise du Madison Square Garden. Pas grand monde croit en lui, même pas le commentateur Stephen A. Smith, incrédule et furieux en découvrant le pari des Knicks lors de cette Draft. Les fans, bien que justement sceptiques de la gestion de la franchise par Phil Jackson, ont presque oublié que l’ex entraîneur mythique des Chicago Bulls (6 titres) et des Los Angeles Lakers (5 titres), avait du flair après avoir dirigé des joueurs de la trempe de Michael Jordan, Scottie Pippen, Kobe Bryant ou encore Shaquille O’Neal. Cependant, la mauvaise réputation de l’ailier fort Kristaps Porzingis était surtout bâtie sur des préjugés des fans sur les joueurs européens : « He’s a soft European », « too tall for the game ». Certes, le basketball européen se joue différemment : il est moins spectaculaire, mais plus tactique, mais le rejet essuyé d’entrée par le letton était disproportionné.

Faire taire les critiques et devenir un grand joueur

Trop grand pour la NBA ? Du haut de ses 2m 21, Kristaps Porzingis leur a montré sa grandeur sur le parquet : des contres énormes, des posters sur de nombreux bigmen. Est-il trop soft, trop grand ? Ces remarques frisant le ridicule ont été stoppées par ses performances. Une première saison dans laquelle plus de 14 points ont été marqués par match et qui a vu sa nomination dans les 5 meilleurs rookies de l’années, une deuxième saison à plus de 18 points et une victoire au « Skills Challenge » du All Star Weekend et pour finir une troisième saison marquée par une sélection au All Star Game avec plus de 22 points marqués. Ce All Star Game, le letton ne le jouera pas, foudroyé par une rupture du ligament interne du genou. Mais, comme il a fait changer d’avis les citoyens New-Yorkais, toute la ville attend son retour avec confiance.

Une omniprésence sur le terrain

Souvent comparé à Dirk Nowitzki, Porzingis se distingue des deux côtés du parquet. D’abord en attaque, son jeu est très polyvalent : il est aussi à l’aise à trois points que dans la raquette. Dans cette raquette, le letton sait faire des dégâts en postérisant de nombreux adversaires tels que LaMarcus Aldridge, Kevin Love ou Jonas Valanciunas. En défense, il se distingue par sa bonne vision du jeu et l’utilisation de sa taille pour contrer ses adversaires : empêcher les « Bigmen » ou les meneurs de rentrer dans la raquette.

Le patron des Knicks après le départ de Carmelo Anthony

Le 23 septembre 2017, c’est le drame : Carmelo Anthony, après plusieurs mois de rumeurs, est transféré par les New York Knicks au Thunder d’Oklahoma City. Menée les 7 dernières saisons par Anthony, c’est la fin d’un cycle pour la franchise du Madison Square Garden. Une question se pose alors : qui sera le leader de l’équipe ? En tout cas pas Porzingis selon Stephen A Smith. Pourtant le letton le fit mentir une nouvelle fois en marquant notamment plus de 22 points de moyenne jusqu’à sa grave blessure juste avant le All Star Game pour lequel il était sélectionné, devenant actuellement l’atout numéro 1 des Knicks. Le retour de Porzingis est espéré en décembre, mais la possibilité de faire une saison blanche n’est pas écartée.

Discrimination en NBA des européens

L’histoire se répète en NBA, mais aussi à New-York. Les joueurs européens restent année après année des hommes « trop peu athlétiques » qui ne « jouent pas assez dur », et qui sont considérés, par les équipes et par les fans, avant même de fouler les parquets, comme pas prêts pour jouer dans la grande ligue. Pourtant ces joueurs possèdent déjà des contrats professionnels et ont un niveau tactique et une intelligence de jeu bien supérieurs aux joueurs universitaires américains jouant en NCAA.

Tout récemment, cette discrimination a plané sur la Draft NBA 2018 avec le cas Luka Doncic. Ce jeune slovène, considéré comme futur All Star voire MVP en NBA, a tout raflé en Euroleague sous les couleurs du Real Madrid Basketball avant de se présenter à la Draft : dans l’équipe première du club madrilène depuis l’âge de 16 ans, il a remporté, rien qu’en 2018, les titres du Championnat d’Espagne et de l’Euroligue, une année après avoir été Champion d’Europe avec son équipe nationale et avoir été élu dans le cinq majeur des meilleurs joueurs du tournoi. Individuellement, l’année 2018 a aussi été pour lui étincelante avec les distinctions de MVP de l’Euroligue, MVP du Final Four de l’Euroligue et MVP du Championnat d’Espagne. Pourtant, toutes ces indications prouvant sa valeur sur un terrain de Basket n’ont pas entièrement convaincu les franchises NBA. En effet, il n’a été, le jeudi 21 juin 2018 lors de la Draft NBA, non seulement choisi qu’en 3ème position mais surtout tradé à Dallas par Atlanta contre le 5ème choix Trae Young. Certes, plusieurs franchises craignaient de le voir resigner avec le Real Madrid, mais un tel talent ne vaut-il pas la peine de prendre ce risque ? Les Mavericks de Dallas qui ont comme légende l’Allemand Dirk Nowitzki ont en tout cas réussi ce pari.

L’italien Danilo Gallinari a quant à lui subi le même traitement que Porzingis : drafté en 6ème position lui aussi par les Knicks lors de la Draft 2008, les acclamations ont laissé place aux huées. Pourtant, après 10 saisons à jouer en NBA (dont 3 à NYC), il a acquis une bonne réputation de shooteur à 3 points. En 2008, Mike D’Antoni (coach qui l’a drafté) a été scotché par ses performances au tir.

Nous pouvons aussi considérer comme témoignage de discrimination l’entrée dans la ligue américaine de l’espagnol Pau Gasol. Actuellement une légende de la NBA, le « Bigman » a vécu une soirée de la Draft assez surprenante : après avoir été drafté en 3ème position par Atlanta (l’histoire se répète), la franchise de l’état de Géorgie l’a envoyé en compagnie de deux autres de leurs joueurs aux Grizzlies de Memphis contre Shareef Abdur-Rahim (joueur qui marquait 20 points/match de moyenne). Envoyer deux joueurs et un 3ème choix de Draft contre un joueur de cette trempe ? Ridicule.

L’histoire se répète pour les européens. Quand seront-il acceptés à leur juste valeur en NBA sans préjugés ?

Geoffroy Brändlin

Etudiant en Lettres à l'Université de Lausanne (SUI) et coureur de fond et demi-fond

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